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[PORTRAIT] Paul Chabert & Romane Guilmet - Volontariat de Solidarité Internationale en Côte d'Ivoire

Portrait

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07/05/2025

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Nous sommes deux anciens étudiants de l’IÉSEG (Grande École 2020) et nous réalisons un volontariat d’un an chez Moi Jeu Tri, une association d’éducation environnementale en Côte d’Ivoire. Je (Paul) suis le responsable financier et Romane est responsable projet. Moi Jeu Tri est un développeur de solutions innovantes pour la transformation écologique des territoires en Afrique, ainsi que pour le retour aux fondamentaux culturels des communautés.

L'organisation s’articule autour de quatre leviers :

- Éduquer les jeunes générations aux enjeux de la gestion des déchets et de la protection de l’environnement ;

- Accompagner les collectivités dans leur transformation écologique via la construction d’écosystèmes territoriaux ;

- Favoriser l’inclusion et l’insertion professionnelle dans l’économie sociale et solidaire, et dans l’économie circulaire ;

- Créer de la valeur autour du déchet et contribuer à fournir un accès à des services essentiels.

L’association est présente dans des écoles au Togo, en Côte d’Ivoire et au Sénégal.

Quel parcours avez-vous fait à l’IÉSEG et quels souvenirs gardez-vous de vos études ?

Nous avons tous les deux suivi le parcours Grande École (et c’est là que nous nous sommes rencontrés).
Nous gardons plein de bons souvenirs : des amitiés fortes, mais aussi des cours de compta qui me servent au quotidien dans ma mission – d’autant plus que la comptabilité ivoirienne est un calque de la comptabilité française. Nous nous souvenons aussi avec plaisir de nos échanges à l’étranger, qui ont été une belle opportunité pour s’ouvrir à d’autres cultures. C’est avec cette même envie de découvrir en profondeur une nouvelle culture que nous avons souhaité faire un volontariat à l’international.

Quelles ont été les grandes étapes de votre carrière professionnelle ?

Pour ma part, après une alternance en audit interne, j’ai voulu me tourner vers le contrôle de gestion, mais dans une entreprise porteuse de sens. J’ai rejoint la startup La Fourche, une épicerie bio en ligne. Après une année sur les sujets financiers, j’ai suivi une formation en data et suis devenu data analyst pendant deux ans. J’ai donc aujourd’hui une double casquette data/finance.

Concernant Romane, après un master en MIS elle à rejoint la start up Phenix dès son stage de fin d’études pour y enchaîner plusieurs postes pendant des 3 ans et demi : customer success manager, Key account manager puis Business developer grands Comptes.

D’où est venue l’envie de faire du volontariat ? Pourquoi avoir choisi le Volontariat de Solidarité Internationale ?

Romane et moi avions l’impression d’avoir fait un peu le tour de notre travail, et on se disait qu’on devait en profiter pour tenter une aventure et partir à la rencontre d’autres cultures, d’autres personnes et d’autres façons de travailler. Nous avons entendu parler du VSI (Volontariat de Solidarité Internationale), et nous nous sommes dit que cela correspondait à ce que nous recherchions : un contrat qui permet de partir un an ou plus dans une association d’un pays en développement, tout en occupant un poste en rapport avec notre CV et nos ambitions.

Il ne s’agit pas ici d’humanitaire, mais d’une mission de développement où l’on met ses compétences professionnelles au service d’une structure locale. Par exemple, j’ai utilisé mon master audit pour devenir Responsable Financier de l’association, et Romane utilise son background commercial pour trouver des financements.

L’avantage du VSI, c’est que nous sommes intégrés dans une association locale, dirigée par des citoyens du pays. Cela permet de s’engager pour une cause tout en continuant à apprendre et à développer des compétences valorisables dans une carrière.

Il ne s’agit pas non plus de bénévolat : l’indemnité perçue, destinée à couvrir logement et nourriture, est versée par l’association elle-même et équivaut souvent à un salaire local, voire davantage. Il y a donc une vraie volonté de l’organisation de nous accueillir et de nous faire travailler – contrairement à certains bénévolats où, faute d’investissement financier, l’engagement peut être moins structuré.

Et comment avez-vous trouvé votre mission actuelle ?

Il existe plusieurs manières de partir en VSI. La plupart du temps, on passe par une association “d’envoi”, qui nous aide à trouver une mission.

Nous sommes partis grâce à la DCC (Délégation catholique pour la coopération), qui permet notamment les départs en couple non marié. Nous avons envoyé nos CV, suivi trois jours de formation, puis passé un entretien destiné à mieux cerner nos compétences et nos aspirations.

Par exemple, nous avons dû préciser dans quelle région du monde nous souhaitions partir (Afrique, Amériques, Asie…), si nous voulions apprendre une nouvelle langue, si nous acceptions un logement modeste, etc.

Nous avons aussi présenté les compétences professionnelles que nous souhaitions mettre à disposition. Les missions proposées dépendent ensuite de ce profil.

Après quelques mois d’attente, cette mission nous a été proposée, et nous l’avons acceptée avec enthousiasme ! (Soit dit en passant, les compétences issues de l’IÉSEG – contrôle de gestion, gestion de projet, communication… sont très recherchées. Avis aux intéressés !)

En quoi consistent vos missions de responsable financier et de responsable projet sur place ?

Le travail de responsable financier est assez proche de ce qu’on peut trouver en Europe, mais avec quelques spécificités. Dans une entreprise, le client est celui qui paie et bénéficie du service. Il juge donc directement de la pertinence de l’achat. Dans une association, le bailleur (financeur) n’est pas le bénéficiaire final. Il devient donc impératif de justifier l’ensemble des actions, pour démontrer que l’argent est bien utilisé.

Dans le cadre des financements Nord-Sud, cette exigence se renforce : les attentes des bailleurs occidentaux - rigueur, traçabilité - ne sont pas toujours compatibles avec les pratiques économiques locales. Par exemple, on nous demande des factures de taxi, alors qu’ici, même pour acheter un ordinateur au marché, on obtient rarement une facture.

Mon travail consiste donc à créer des processus financiers qui garantissent que les comptes reflètent fidèlement la réalité de l’association, et qu’un maximum de dépenses est associé à un justificatif. Je m’assure également que l’argent versé par un bailleur est bien utilisé pour le projet qu’il finance.

Romane, elle, répond à des appels à projets. Quand une fondation souhaite financer un projet d’éducation environnementale, elle monte un dossier aligné à la fois avec les attentes du financeur et les savoir-faire de notre association.

Avez-vous su vous adapter à la différence de culture ? Avez-vous rencontré des difficultés ? Si oui, comment les avez-vous surmontées ?

Je ne pense pas qu’on puisse s’adapter complètement à une différence culturelle en un an – en tout cas, pas en Côte d’Ivoire ! Pour moi, il y a deux types de différences culturelles : celles qui sont simplement nouvelles, et souvent fascinantes ; et celles qui inversent nos repères, rendant difficile ce que l’on valorise dans notre propre culture.

Nous avons vécu de plein fouet le choc culturel dont on nous avait tant parlé. En tant que Français, nous avons l’habitude de donner notre avis, de discuter avec la hiérarchie, de challenger certaines décisions.
Ici, ces comportements sont mal perçus. On ne contredit pas un supérieur, on reste strictement dans son rôle, et la peur du chômage pousse à une forme de loyauté silencieuse. Cela engendre parfois des comportements pernicieux : rétention d’information, sabotage entre collègues, soumission excessive à l’autorité…

Ce sont des situations parfois difficiles à vivre, mais aussi très formatrices. Elles nous obligent à questionner nos réflexes : la gestion du non-dit, le poids des apparences, l’évitement du conflit, ou encore l’importance du statut et de l’âge dans la légitimité d’une parole.

Ces tensions peuvent générer de la frustration – surtout quand on est habitué à un fonctionnement horizontal, efficace et transparent.
Mais, une fois identifiées, elles deviennent des leviers pour mieux comprendre l’environnement local, et pour ajuster sa posture. J’ai appris à nuancer mes interventions, à écouter davantage avant de proposer une idée, à reformuler avec diplomatie. Cela demande de l’humilité, du recul, et parfois de ravaler son envie de “faire comme on a appris”.

L’enjeu n’est pas de tout accepter, mais d’avancer avec souplesse et lucidité dans un système différent. Même si l’adaptation reste incomplète, ce cheminement est, à mon sens, l’un des apports les plus précieux de cette expérience.

Cette immersion interculturelle ne m’a pas seulement permis de mieux comprendre le contexte ivoirien ; elle m’a aussi aidé à mieux saisir nos propres modes de fonctionnement en France. Avec du recul, on réalise à quel point ce que l’on croit “professionnel” est culturel.
Ces apprentissages, parfois déstabilisants mais toujours enrichissants, sont un véritable atout pour la suite de ma carrière – notamment en matière de management, de communication interpersonnelle, et d’adaptation à des environnements variés.

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